lundi 15 octobre 2012

Il raconte la terre qui fait les maisons

Mercredi 5 octobre 2011 à 06h00

Barbezieux Saint-Hilaire

Il raconte la terre qui fait les maisons

 Claude Besson, ancien maire, au Pays des clairons.  Photom. g.

Claude Besson, ancien maire, au Pays des clairons. Photo m. g.

La terre crue est sans doute le matériau de construction le plus vieux du monde.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France, dont les besoins en logements étaient considérables, abandonne cet élément et sa technique de mise en œuvre au profit du béton. Des savoir-faire vernaculaires, transmis depuis des générations, se sont dès lors perdus.
Claude Besson, auteur d'un ouvrage sur la commune du Tâtre (1), se souvient de ces journées de travail, et de la terre. Cette « terre massoune (2) » qui durcissait avec le soleil et que les anciens travaillaient durement dans les champs. « Les anciens, qui savaient reconnaître cette terre "venante", l'extrayaient avec des piocs (pioche comprenant deux ou trois dents courtes) et la portaient chez eux à l'aide d'un tombereau (3). On mélangeait la terre avec de la paille et on coulait cette pâte épaisse entre des planches ». Cette technique dite de la « tappe », permettait d'ériger des murs épais pyramidaux, très larges à la base et plus étroits à l'extrémité haute.

Briques de terre crue 
 L'assise de la maison était le plus souvent formée d'une bonne épaisseur de sable sur laquelle reposaient ces murs de terre. « Lorsque l'argile était trop présente sur le site de la construction, il n'était pas rare d'enfoncer des piquets de châtaigniers (1,50 m de hauteur) reliés entre eux, en guise de fondation », poursuit l'ancien maire de la commune. Puis la « tappe » a laissé place aux « clairons ». Un nom charentais synonyme d'adobe ou brique de terre crue.
Les clairons, éléments à maçonner, étaient moulés à « temps perdu » dans un cadre ouvert en bois simple. L'adobe confectionné séchait ensuite quelques jours à l'abri du soleil et de la pluie pour éviter l'apparition de fissures. Les parois ainsi constituées pouvaient inclure douelles de tonneaux en guise de voussoir, « pots difformes, fendus, trop cuits inclus dans les murs par soucis d'économie. Ces maisons étaient couvertes de tuiles fabriquées elles aussi localement. La cuisson se déroulait dans les nombreux fours existants (poterie, tuilerie). Certaines recherches ont permis de constater que certaines tuileries n'ont existé que le temps de la construction de deux ou trois maisons », se souvient Claude Besson.

À la lueur des lampes 
 Les maisons anciennes, à étage unique et relativement basses, possédaient la même organisation spatiale. La porte d'entrée ouvrait sur un couloir distribuant une large pièce de part et d'autre. D'un côté se trouvait une vaste cuisine, et de l'autre, une chambre commune pourvue de rideaux et autres baldaquins. « La nuit tombée, tous se réunissaient autour de la grande cheminée, à la lueur des lampes à pétrole en cuivre. Les enfants apprenaient leurs leçons pendant que grand mère brodait finement à l'aiguille. La crémaillère pendait au-dessus des flammes, suspendant pots de mongettes et autres soupes. Câlins de pigeons, diables remplis de châtaignes, assiettes et contenants divers : la terre se déclinait jusqu'aux moindres ustensiles de cuisson, enracinant les familles du Tâtre dans une identité culturelle aujourd'hui oubliée.

Manu Gomès

(1) « Monographie d'une petite commune rurale du Sud-Charente », Le Tâtre, C. Besson, 1993
(2) Terre maçonne : mortier composé d'argile, de sable et d'eau.
(3) Le tombereau est le nom donné au véhicule hippomobile, généralement agricole, destiné à transporter un matériau en vrac : terre, paille, gravats.